« Taxer les riches les fait fuir et nuit à la compétitivité du pays….
Le privé est toujours plus efficace que le public….
L’assurance chômage est trop généreuse et finalement pénalise l’emploi….
Cotisations sociales…EUH pardon… Charges sociales trop importantes… »
Voilà quelques phrases, devenues rengaines et mantra dès que l’on aborde les sujets de l’économie avec les teneurs du libéralisme ; Sans compter, le ruissellement, cher à notre Président dont les effets ressemblent plus à un désert qu’au Pas de Calais de ces dernières semaines.
Economies ravagées par quatre années de guerre, nombreux furent les pays du monde occidental à mettre en pratique les principes d’une économie basée sur les théories keynésienne pour leur reconstruction.
Marginales au sortir de cette seconde guerre mondiale, les idées libérales ont retrouvées une certaine audience à la fin des années 1980, pour s’imposer et dominer le débat public dans nos sociétés aujourd’hui.
A travers l’article publié dans « Alternatives Economiques » en août 2023, F. Denord analyse les raisons de la montée du néo libéralisme dans notre Pays, et M. Fulla apporte sa perception de l’évolution de la pratique économique du P.S de la fin de la seconde guerre aux années 1980.
C’est une synthèse de ces lectures que nous vous proposons.
Mais comment ces idées libérales sont-elles devenues hégémoniques ?
Contrairement à la sortie de la première guerre mondiale, les idées libérales n’étaient pas en vogue lors de la période de reconstruction du Pays en 1945. Basées sur le programme du CNR, constitué de toutes les sensibilités politiques de la Résistance, le gouvernement provisoire va mettre en place une politique qui donnera naissance à ce que l’on a appelé l’Etat providence. Planification, réalisation de grands chantiers, barrages hydroélectriques, autoroutes, reconstruction et rénovation de l’habitat, développement du nucléaire civil et militaire font l’objet, à défaut d’un consensus politique, le trait commun qui peut s’apparenter à une forme de sociale démocratie, où avec un contrôle plus ou moins souple l’Etat est interventionniste dans l’économie. »
Dans les années 1970 le libéralisme prend corps et permet de rapprocher des groupes hostiles à la gauche comme le patronat, qui s’associe aux intellectuels de droite en passant par d’anciens militants de gauche pour qui marxisme rime désormais avec totalitarisme.
Parmi eux ce que l’on appelle les « nouveaux économistes » qui compte dans ses rangs des universitaires, des journalistes proches des entreprises comme Henri Lepage, Jean-Jacques Rosa, Pascal Salin. Ils ont contribué à faire connaître en France le monétariste, la théorie de l’offre ; ils stigmatisent le keynésianisme comme dépassé selon l’auteure de ce rapport, la sociologue Catherine Cornette.
Mais à l’approche de la présidentielle de 1980 le libéralisme est dans l’air du temps.
Entre l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux États-Unis la dérégulation vient à la mode et la droite française prend elle aussi le virage.
C’est sans compter la victoire de la gauche et la politique économique « régulée à l’ancienne « par François Mitterrand, dans le soucis de répondre aux promesses de campagne du candidat socialiste .
Son premier gouvernement entreprend des mesures en faveur du » social » elles sont qualifiées de « victoire contre le grand capital « et vont finir par devenir constitutives de l’ identité de la Gauche ..
D’où l’antienne bien connue « La gauche est dépensière, elle creuse les déficits et gaspille l’argent du contribuable ». Cette gauche plurielle rappelons-le est globalement anticapitaliste, le parti socialiste lui-même est fait de tendances diverses en son sein. Mais en fait François Mitterrand n’ambitionne pas de rompre vraiment avec l’économie de marché ce que démontrent bien les travaux de l’historien Mathieu Fulla .
En 1983 le Président est tiraillé entre deux ambitions :
L’Europe et l’orthodoxie libérale soutenue par l’Allemagne dans l’Union Européenne naissante ou bien la justice sociale et le déficit, la chute de l’économie française, la perte de confiance des marchés .
Le président Mitterrand tranche en faveur de la première orientation et annonce un retour à l’orthodoxie et au réalisme économique c’est-à-dire le recours à un plan d’austérité.
Cette décision acte la prise de compte que l’Hexagone est désormais en économie ouverte, la France ne peut plus fonctionner de façon obsidionale, elle doit pour survivre s’aligner sur la doxa économique et monétaire de la république fédérale et celle de la majorité des économies occidentales.
De plus la gauche ne se contente pas d’accepter cette nouvelle situation elle accompagne le mouvement par en particulier Pierre Bérégovoy en France et Jacques Delors à Bruxelles poursuivant la doctrine jean Monnet selon laquelle l’Europe Unie se construira d’abord sur une harmonisation des politiques des membres de l’UE .
Le projet de l’époque est de bâtir une mondialisation fonctionnant avec des règle du capitalisme. C’est-à-dire une économie de marché…
De plus la chute de l’URSS (déc 1991) consolide cette tendance. La mort du communisme explique et justifie le recours à une économie sans complexe « évidemment » le meilleur outil qui ait participé à cette victoire éclatante contre le communisme !.
L’hégémonie du discours néolibéral s’explique aussi par une diffusion des dogmes de théories économiques proférés par des fonctionnaires travaillant alternativement dans le privé et le public, pour des gouvernements de gauche et de droite, autrement dit ces têtes pensantes économiques vont fait émerger une pensée unique compte tenu du brassage des dirigeants économiques du privé au public .
Les commissions d’experts mises en place par les gouvernements rassemblent la mythique intelligentzia économique et administrative en sont en parfait exemple
Alain Munk président d’un club de réflexion instauré par le premier ministre Édouard Balladur, porte l’idée que le chômage est dû à des salaires trop élevés.
Le rapport Pébereau commandé par le ministre des finances Thierry Breton en 2005 affirme avec force une lecture dramatisée de la dette publique contribuant en faire l’un des thématiques de la présidentielle de 2007.
Sans oublier la commission Attali mise en place par Nicolas Sarkozy à laquelle ont participé le futur président du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux et Emmanuel Macron l’actuel président qui dénoncent la réglementation qui brigue l’initiative privée et insiste pour que les réformes recommandées soient poursuivies quelques soient les majorités politiques.
Outre ces commissions les dogmes néolibéraux sont aussi promus souvent par ces mêmes personnalités via une nouveauté les think tanks ou incubation d’intelligence. L’un des plus emblématiques de la fondation Saint-Simon de 1982 1999, créée pour établir un lien une frange du patronat et les intellectuels de gauche pour qui économie de marché et démocratie vont de pair .Elle comptait parmi ces figures de proue toujours Alain Munk et Pierre Rosanvallon et sa note sur la préférence française pour le chômage !!!!
Ces organisations se sont multipliées mettant à jour une volonté politique d’externalisation de l’expertise auparavant restreinte à la direction de la prévision et du plan ou à l’INSEE tout ceci pour favoriser l’émergence d’idées nouvelles.
Parmi les structures les plus influentes signalons l’institut Montaigne ou Terranova
Désormais les politiques sous-traitent le travail intellectuel moyennant finance ++++++ ces structures ont pour but de guider au mieux les politiques les responsables aux sein des ministères et du staff du Président.
La campagne d’Emmanuel Macron en 2017 est emblématique de cette attitude. Sans parti il parvient à bâtir un programme contenant plus de mesures que ses prédécesseurs. Tout un symbole ! Jean-Marie Jean Pisani Ferry était chargé de l’élaboration des propositions du candidat alors que Laurent Vigogne était directeur de l’institut hébergeait qui ? Le savez-vous : EN MARCHE !!!
Pour propager leurs idées les think tanks produisent des notes didactiques souvent reprises par les médias, enfin pas toutes !. En 2020, par exemple l’institut Montaigne propose d’augmenter le temps de travail pour rattraper les pertes du confinement.
Les médias ont évidemment un rôle majeur dans la diffusion et la légitimité des idées néolibérales. Par le biais des éditoriaux économiques presque exclusivement tenus par des chroniqueurs pro-business.
Ainsi la crise de 2008 et le retour à un régulation plus stricte en marge de ce débat, des économistes comme Jean-Marc Daniel ou Agnès Verdier Molinier, affirment qu’il faut équilibrer à tout prix les finances publiques, les impôts sont trop élevés , il faut que les syndicats soient maîtrisés ,ils ne sont bons qu’à bloquer le pays etc. tous ces poncifs à force de les répéter sont devenus des idées de bon sens.
En outre les sujets économiques sont abordés avec un langage simple voire simpliste clair direct et à l’image et on voit sur le petit écran Davis Pujadas soupesant, je cite, « ce si – lourd Code du Travail « avant de le faire bruyamment tomber sur le plateau de France 2 en demandant pseudo naïvement si la loi El Khomri allait l’alléger ? »
La permanence de ces idées dans le débat public tient aussi compte d’autres facteurs tels que l’évolution des sciences économiques et leur enseignement. L’Economie dominante traite l’économie de marché y comprit éventuellement ses défaillances, comme un modèle idéal qu’il vous faudrait au mieux améliorer mais surtout pas toucher dans le fond. Les rapports de force sociaux, le pouvoir des grandes firmes, les dérives de la finance, le protectionnisme, les conséquences du changement climatique sont des thèmes largement délaissé ou insuffisamment pris en compte.
Pour finir l’hégémonie des idées économiques libérales est-elle amenée à perdurer ou à décliner ? Elle a été écornée par les crises, la prise de conscience des inégalités notamment par les travaux répétés dont ceux de Thomas Piketty, donnent des chiffres alarmants. Le libre-échange n’est plus autant loué même s’il n’est pas frontalement remis en cause. La contestation de la réforme des retraites et l’écho médiatique des analyses rigoureuses de Michael Zemmour ont promis un autre discours sans oublier la question climatique il existe désormais des formations universitaires en économie ouvertes à d’autres approches, mais ces inflexions sont encore bien loin de devenir à bout de cette doxa bien implantée depuis plus de 50 ans. L’économie doit se réformer en profondeur avec un objectif la baisse des inégalités de tous ordres à défaut nous avons des risques évident pour la paix civile tant la situation ne fait que s’aggraver de ce point de vue.
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